Depuis plusieurs mois, les élèves et ancien·ne·s élèves de l’École polytechnique se mobilisent contre le projet d’installation d’un bâtiment de l’entreprise Total en plein cœur du campus de l’École polytechnique. L’association La Sphinx est pleinement engagée au sein du comité de mobilisation et dénonce les conditions opaques dans lesquelles cet accord a été négocié.

Résumé du projet        

L’École polytechnique a concédé au groupe Total un bail pour implanter la direction recherche et innovation du groupe et ses 250 salariés en plein cœur du campus, au milieu des lieux de vie des élèves, à quelques pas de leurs logements, de leur cantine ainsi que de leurs salles de cours. Le nouveau bâtiment a également vocation à accueillir les élèves et créer avec ces derniers une grande proximité (présence de lieux de vie et de sociabilité, de salles de conférence à disposition des élèves, etc.). En savoir plus.

Lors d’un vote organisé par les représentants des élèves, 61% des élèves se sont prononcés contre le projet de bâtiment (15% d’indifférent·e·s, 19% pour).

Le lobbying de Total auprès des écoles d’ingénieur·e·s

Depuis plusieurs années, face à d’importantes difficultés de recrutement, Total a développé sa stratégie d’influence au sein de différentes grandes écoles du plateau de Saclay.  L’installation d’un bâtiment n’est que la suite logique de ce processus. Total est “parrain de promotion” (c’est-à-dire que l’entreprise finance la vie associative contre l’affichage exclusif de sa marque) des élèves de 3e année de l’École polytechnique, des élèves de 2e année de l’ENSTA Paris et des élèves de 1e année de Telecom Paris. Le PDG de l’entreprise, Patrick Pouyanné, a été nommé au Conseil d’Administration de l’X juste après la validation du projet de bâtiment Total. Il siège également au CA de l’Institut Polytechnique de Paris, qui regroupe plusieurs écoles d’ingénieurs dont l’X, l’ENSTA et Télécom Paris. Les liens entre la présidence de l’X et la présidence de Total n’ont donc jamais été aussi étroits. Enfin, Total a récemment décidé d’investir 3,8 millions d’euros dans une chaire à l’École polytechnique (déductible des impôts à hauteur de 60%). Le projet de bâtiment s’inscrit donc dans une campagne de communication agressive de Total, destinée à attirer des jeunes ingénieurs malgré son image dégradée.

Le projet de Total ne répond pas aux besoins de l’X

Le terrain que l’École polytechnique a accepté de céder à Total est unique. Il s’agit de la seule parcelle constructible encore existante au cœur du campus étudiant. Pourtant les parcelles à construire ne manquent pas dans un rayon de quelques kilomètres (voir le plan d’aménagement du plateau de Saclay). Mais c’est cet emplacement précis, situé entre les logements étudiants, les salles de cours, les gymnases et le restaurant universitaire, donc au centre névralgique de la vie des élèves, qui a été choisi. À cette place, d’autres projets auraient pu voir le jour, directement liés aux besoins de la vie étudiante. Le bâtiment Total ne correspond pas à un besoin des étudiants. Il pourrait très bien être installé un kilomètre plus loin, là où s’installent beaucoup d’autres entreprises, tout en restant facilement accessible.

Des liens étroits entre le PDG de Total et la présidence de l’École

Le PDG de Total, Patrick Pouyanné, est un ancien élève de l’École. Il a succédé à Jacques Biot à la présidence du Conseil d’Administration de l’École des Mines d’Alès (poste libéré par Jacques Biot lorsque ce dernier a pris la présidence de l’X). Ensuite, Patrick Pouyanné a été nommé au Conseil d’Administration de l’X (juste après la validation du projet de bâtiment Total) et il siège également au CA de l’Institut Polytechnique de Paris, qui regroupe plusieurs écoles d’ingénieur·e·s dont l’X. Les liens entre la présidence de l’X et la présidence de Total sont donc de plus en plus étroits. De plus, en même temps que le projet de bâtiment (et théoriquement de façon indépendante), Total a accepté de verser 3,8 millions d’euros à l’X pour ouvrir une chaire d’enseignement. Il s’agit du plus gros montant versé pour une chaire à ce jour. À titre de comparaison, Google aurait payé de l’ordre de 300 000 € pour ouvrir une chaire d’enseignement l’année précédente.

Les revendications du comité de mobilisation

Nous demandons que Total soit traité comme les autres entreprises qui signent des accords avec l’X. Que Total implante un centre de recherche et développement sur le plateau de Saclay et signe un partenariat avec l’École n’est pas un problème. Mais il ne faut pas confondre partenariat et privatisation des lieux de vie et d’enseignement !

Le projet actuel donne une situation exclusive à Total. Imaginerait-on un centre de R&D du groupe Huawei au sein de Télécom Paris, de Monsanto sur le campus d’AgroParisTech, de British Tobacco dans une faculté de médecine ou de Nexter à l’École Spéciale Militaire de Saint-Cyr ?  Ces groupes sont légitimes pour défendre leur objet social et renforcer leurs expertises mais une institution publique de référence se doit de maintenir une certaine distance vis-à-vis d’industriels à avec qui elle traite au quotidien.

Nous demandons donc que les relations entre l’X et Total soient normalisées. Pour cela, nous souhaitons :

1) Que le centre de R&D de Total soit construit à l’extérieur du campus, là où sont installées les autres entreprises.

2) Que le bâtiment Total soit uniquement dédié aux employés de Total, et non pensé comme un lieu de vie et d’accueil pour les élèves.

> Le site du comité de mobilisation
> Tribune des ancien·ne·s élèves dans Le Monde
> La caisse de solidarité mise en place pour soutenir la mobilisation

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