Le 14 décembre 2017, dans la perspective d’accroître ses ressources financières et de combler son déficit budgétaire de plus de 20 millions d’euros, l’École polytechnique a signé un contrat d’objectifs et de performances 2017-2021 (COP) avec le Ministère des Armées. Celui-ci ouvre la voie à une augmentation sans précédent des frais de scolarité pour les étudiants et étudiantes internationales, notamment les non-européen·e·s. Entre la promotion entrée en 2016 et celle entrée en 2018, ils augmentent de 62%.
Dans la rhétorique de l’École polytechnique, cette politique est justifiée au nom d’une nécessaire “mise à niveau” de l’École afin de l’aligner sur les standards internationaux des écoles les plus performantes, notamment l’EPFL et le MIT. Mais alors que l’École polytechnique se félicite du fruit de son plan d’action, l’expérience offerte aux élèves internationaux·ales est-elle à la hauteur ?
En réalité, celles et ceux-ci sont bien souvent soumis à une infantilisation et à une exclusion systémique. Fin mars 2023, ils et elles ont fait état de leurs expériences dans une édition spéciale du journal des élèves, puis dans un article du Monde consacré au sujet. Les propos recueillis montrent en particulier la dévalorisation et le paternalisme aux relents coloniaux dont sont l’objet les élèves, notamment provenant du Maghreb et des pays d’Afrique subsaharienne.
L’École polytechnique accueille depuis les années 1960 des élèves de toutes nationalités, intégré·e·s aux promotions de nationalité majoritairement française. Dans les années 2000, la part d’élèves n’ayant pas la nationalité française en entrant à l’École a fortement progressé pour atteindre environ 30%.
Bien qu’étant depuis longtemps une partie intégrante des promotions, les élèves internationaux·ales sont traité·es comme des à-côtés, des supplétifs qui complètent les promotions et à qui l’on pense seulement une fois que l’on a pensé aux élèves officiers français. Depuis sa fondation en 2017, la Sphinx reçoit des témoignages d’élèves étrangers faisant état de cette situation, sans que la direction n’entreprenne de transformation des pratiques.
Dans cet article, nous cherchons donc à élucider les ressorts des discriminations dont sont victimes les élèves internationaux·ales. Quelle est leur situation actuelle ? Quelles ont été les évolutions de leur intégration ? Que nous apprennent les politiques successives de frais de scolarité sur la vision des internationaux·ales par l’administration ? Et surtout, comment répondre aux problématiques des élèves internationaux·ales ?
Ignorance et infantilisation.
Les récents témoignages dans le journal des élèves
Très récemment, un numéro spécial du journal des élèves dédié au témoignage de certains élèves internationaux·ales a été publié. Ce numéro révèle une humiliation systémique de ces dernier·ères, visant à dominer et à contraindre des comportements d’élèves jugés déviants. Parce qu’ils et elles n’ont pas les mêmes habitudes, les mêmes affects, les mêmes réactions que les élèves français posés comme norme. Le journal des élèves rapporte plusieurs faits choquants : stigmatisation de l’indiscipline supposée des élèves internationaux·ales, exhortation à l’intégration dans une promotion constituée ex ante exclusivement d’élèves français·es, humiliation par les élèves français·es et les cadres militaires pour une soi-disant défaillance lors des exercices militaires, …
Pour certains élèves internationaux·ales, l’exclusion commence dès l’arrivée sur le campus. C’est le cas par exemple de certain·e·s élèves de la promotion 2022 qui n’ont reçu aucun accueil lors de leur arrivée1. Pas même un repas avec le personnel ou les élèves de l’École. A la place, ils et elles ont eu droit à une présentation sur Zoom, où l’accent a été mis sur la discipline.
« Si ce n’était que parler de discipline, ça aurait été acceptable mais il a été spécifié lors de ce discours que certaines nationalités et une en particulier pouvaient montrer des comportements inadéquats (des exemples de comportements dont je vous épargne la description ont été très glorieusement mentionnés) et que pour cette raison, nous, élèves internationaux, étions mis en garde par rapport à ces questions de discipline ». – témoignage dans le journal des élèves
C’est donc en les plaçant en situation d’infériorité, en les stigmatisant, que l’École a accueilli ces élèves fraîchement débarqué·e·s. La mise en avant excessive de leur différence exacerbe leur sentiment de non-appartenance et ne crée pas un terreau propice à leur intégration.
“Je ne voulais pas qu’on dise « Voilà ce qui arrive quand on laisse les EIX [élèves internationaux·ales] défiler », parce que oui apparemment quand on est EIX, on représente tous les EIX, on a beau être différents, on a beau venir de différents pays et de différentes cultures, on appartient à la même espèce”.
“Dans au moins deux des cérémonies obligatoires que je peux compter, la figure principale remercie les invités présents, les professeurs , les parents des élèves, le staff, les militaires présents, et les élèves officiers présents. Non, pas les élèves présents, les élèves [français] présents.”
– témoignages dans le journal des élèves
Ensuite, le contexte militaire joue bien souvent un rôle catalyseur de l’exclusion, en mettant les élèves internationaux·ales directement face à des discours racistes ou aux relents colonialistes. Le journal des élèves révèle un nombre de faits, dont la quantité empêche tout doute sur le fait qu’ils relèvent d’une discrimination systémique. Celle-ci est organisée par l’environnement dans lequel évoluent les acteur·rice·s – un environnement guerrier car militaire qui, par la présence permanente de violence pour contraindre le groupe, perpétue également de la violence sur des membres qui seraient vus comme étant hors du groupe. C’est une dynamique récurrente à laquelle les acteurs de la vie militaire devraient être formé·e·s, et à laquelle l’École devrait prêter une attention particulière.
“Après que les [élèves français·es] aient reçu leur treillis, les [encadrants] nous obligeaient à les aider à s’habiller, à mettre leurs chaussures, à leur ouvrir les portes, à porter leurs affaires avec eux, et j’en passe. On se sentait mal à l’aise. On nous voyait comme des esclaves.” – témoignage dans le journal des élèves
“Personnellement, je n’ai pas du tout apprécié certaines chansons dans le livret de chant qui faisaient référence à l’ère coloniale et donnaient une vision biaisée de celle-ci. Plusieurs d’entre nous viennent d’Afrique, comment est-on censé apprendre, et encore plus, chanter ce genre de choses ?”. – témoignage dans le journal des élèves
“Omar, étudiant marocain issu de la promotion 2019, évoque avec amertume son stage militaire à La Courtine, un camp militaire dans la Creuse, où tous les jeunes ingénieurs sont formés par l’armée de terre. « Ce stage, c’était un choc. Nos encadrants expliquaient que la France était intervenue au Mali ou ailleurs pour “sauver l’Afrique” devant nous, étudiants africains et nord-africains, avec une posture coloniale assumée »”. – témoignage dans le journal “Le Monde”
Enfin, les élèves internationaux·ales subissent une pression constante à “l’intégration” dans la promotion, intégration dont les conditions ne sont clairement pas remplies étant donné la stigmatisation dont ils font l’expérience par ailleurs. En outre, cette injonction à l’intégration ne tient généralement pas compte des spécificités culturelles des élèves internationaux·ales (non consommation d’alcool par exemple), ni de leurs motivations et envies propres. L’intégration n’est pas quelque chose que l’on peut réclamer. C’est une co-construction.
“S’ils risquent de ne pas s’intégrer, c’est parce qu’ils ont été désavantagés et n’ont pas eu la chance de vivre ces incroyables moments de cohésion qui ont fait que 80% de la promotion n’a pas besoin de fournir cet effort d’intégration”, – témoignage dans le journal des élèves
Une réaction décevante de la direction
Le numéro spécial du journal des élèves a été très bien reçu par les étudiant·es, malgré la dureté de certains témoignages et des ressentis qui s’y sont exprimés. Mis à part quelques élèves ayant perçu dans ce journal une attaque contre la militarité de l’École, la plupart des lecteur·rices ont d’abord perçu une réalité que beaucoup ignoraient.
Mais la réaction de l’École, elle, a laissé à désirer. Le journal est toujours adressé à la direction, qui le lit – ou bien est censée le lire pour se tenir informée de la vie des élèves. Mais cette série d’articles mettant clairement en exergue des manquements de la direction et de l’encadrement militaire n’a suscité aucune réaction spontanée. Ce n’est que lorsqu’une journaliste du Monde a contacté les rédactrices du journal que la direction s’est enfin saisie du sujet. Mais ce fut principalement pour rappeler aux étudiantes que les expériences relatées dans les témoignages du journal des élèves n’étaient que le point de vue d’une dizaine d’élèves, sans valeur générale, et qu’elles devaient en outre se méfier des questions mal intentionnées des journalistes. Une posture qui repose sur la diabolisation des journalistes, très infantilisante pour les élèves concernées.
Encore en 2023, les élèves internationaux·ales ont été accueilli·es dans des locaux sans eau potable ni douche (pour cause de contamination bactérienne). Il est grand temps que ces élèves cessent d’être la cinquième roue du carrosse, et qu’ils et elles bénéficient d’un accueil décent, en adéquation avec les critères d’excellence que se fixe l’Ecole polytechnique.
La situation des élèves internationaux·ales à l’École polytechnique demeure donc critique. Mais en a-t-il toujours été ainsi ? Nous nous sommes tourné·es vers les archives du journal des élèves, afin de dresser un historique des pratiques de la formation militaire initiale, et des frais de scolarité.
Moins d’efforts sont faits en faveur du bien être des EIX
Bien qu’il soit difficile de dater précisément, un tournant semble avoir été pris dans les 20 dernières années, semblant accompagner un repli identitaire à l’échelle du pays.
De 1945 aux années 1990, la voie d’admission des élèves internationaux·ales était appelée “catégorie spéciale”. Dans ce que raconte un élève international de la promotion 1983, il n’y avait pas de “clan étranger”. Elles et ils étaient “bien intégré.es” et faisaient partie de plusieurs associations, sans distinction de nationalité ou de religion.
“En Ramadan, le restaurant préparait le ftour – le repas d’après le coucher de soleil – et même les tables.” – un élève international de la promotion 1983.
Une intégration qui semble très respectueuse des traditions et cultures de chacun.e, à l’image de ce qu’on voit actuellement dans la majorité des universités des États-Unis, dont l’École s’inspire. Après la réforme de 2000 et la suppression du service militaire, l’École fit le choix d’intégrer les internationaux·ales directement en première année, impliquant ces dernier·es dans l’expérience de la Courtine.
“On se répartissait entre les différentes sections militaires avec les élèves français, sans distinction, sauf pour ce qui est de l’usage de l’arme”, – un élève de la promotion 2007.
Avec cette réforme vient la décision inédite de favoriser l’accession des élèves internationaux·ales à la nationalité française. Après une à deux années à l’École, une simple lettre de recommandation du Directeur Général suffisait à obtenir la nationalité française. Preuve que le statut des élèves internationaux·ales se dégrade : cette démarche simplifiée ne l’est plus vraiment depuis la promotion 2018. Désormais, la lettre de recommandation du Général de l’École ne peut être obtenue qu’après la fin des études et le paiement intégral des frais de scolarité. Et depuis la nouvelle loi de digitalisation des demandes de naturalisation, une preuve d’insertion professionnelle est requise, ce qui ressemble somme toute aux demandes de naturalisation par la voie “normale”. On peut voir dans ce mouvement la traduction au sein de l’école d’une crispation grandissante à l’échelle nationale sur les questions de citoyenneté et d’intégration.
Ainsi, alors que l’école a fait dans le passé des efforts visibles pour favoriser l’intégration des internationaux, elle ne les fait plus aujourd’hui. Situation paradoxale, puisque dans le même temps l’école se fixe comme objectif d’accueillir de plus en plus d’élèves internationaux·ales, et que leur nombre augmente. Pour comprendre cette inflexion, il faut replacer ce moment dans le contexte plus large de la gouvernance de l’École et de l’augmentation des frais d’inscription.
D’une vision d’intérêt national à une vision comptable
Le dernier angle à travers lequel nous proposons d’étudier les évolutions de la réception d’élèves internationaux·ales à Polytechnique est celui des frais de scolarité.
Dans les années 80 et 90, la majorité des élèves internationaux·ales ne payaient pas de frais de scolarité. En théorie, ceux-ci étaient fixés à 130 000 francs (19 000 €) pour les non-ressortissants de l’Union européenne, mais la majorité d’entre eux (dont tous les élèves maghrébin.es et subsaharien.nes) bénéficiaient d’une bourse d’excellence qui couvrait la totalité de leurs frais de vie, ainsi qu’un supplément équivalent à la solde des élèves officiers français·es.
Les frais de scolarité sont restés remarquablement stables jusqu’en 2016. Les ressortissants européens étaient toujours exonérés de frais, tandis que les autres payaient ainsi autour de 24 000€ pour l’ensemble de leur scolarité et bénéficiaient de nombreuses exonérations, totales comme partielles.
Cette stabilité des frais prend fin en 2017, date à laquelle l’École signe un nouveau contrat d’objectif et de performance (COP 2017-2021) qui fixe comme objectifs d’arriver en 2021 à un total de 10 millions d’euros de recettes issues de frais de scolarité des formations. Pour parvenir à cet objectif, de nouveaux cycles de formation payants sont créés : Bachelor, Executive Master et Graduate Degree. En parallèle, il est décidé par arrêté que les frais de scolarité du cycle ingénieur polytechnicien seraient augmentés de 15% par an sur 3 ans, si bien que les internationaux·ales entrant en 2019 et après seraient soumis à des frais de 38 000€. Les européens sont également mis à contribution à hauteur de 50% des frais versés par les non-européens.
Dans le même temps, la politique d’exonération des frais de scolarité s’est considérablement durcie. Les procès-verbaux des conseils d’administration publiés sur le site de l’École étant très lacunaires, il est difficile de connaître avec précision le montant des exonérations. Il s’élevait probablement pour la promotion 2018 à 60% du montant total des frais nominaux, puis à seulement 37% pour la promotion 2020, après un resserrement des conditions sociales d’exonérations, notamment partielles.
Ces deux évolutions, en marteau et enclume, témoignent d’un changement fondamental dans la manière d’aborder l’intégration des élèves internationaux·ales. Alors que la politique de l’École jusqu’en 2017 était d’être modérée avec les frais de scolarité et d’exonérer largement, le COP de 2017 a imposé une vision comptable. Il fallait sourcer 8 millions d’euros supplémentaires en provenance des frais d’inscriptions, alors que l’exonération de 60% des frais de scolarité pratiquée en 2018 représentait une “perte” de 3 millions d’euros par an.
L’École polytechnique n’est malheureusement pas la seule institution à céder aux sirènes du néolibéralisme. La stratégie “Bienvenue en France” mise en place à partir de 2019 a entraîné une hausse des frais de scolarité pour les élèves étranger·e·s partout en France. De plus en plus, les élèves internationaux·ales sont perçus comme des “parasites”, venus “profiter” du système éducatif français, ce qui justifie de leur faire payer leur scolarité au prix fort. Mais ce discours alarmiste oublie de constater que nombre des étudiant·e·s internationaux·ales participent en fait au rayonnement académique de la France, et fournissent ensuite un vivier de travailleur·euse·s qualifié·e·s pour l’économie française2.
Par ailleurs, l’augmentation des frais de scolarité contribue sans aucun doute à la sélection de profils toujours moins diversifiés, comme le montre une étude menée à l’université Paris Dauphine. Avant 2009 et l’instauration de frais de scolarité en M2, le taux d’étudiant·e·s issus d’un milieu « très favorisé » était de 34%. En 2011, un an après la mise en place des frais de scolarité, il était passé à… plus de 59% ! Pour l’École polytechnique, déjà taxée d’élitisme, la diversification des profils des étudiant·e·s devrait pourtant être une priorité majeure.
A l’évidence, les témoignages d’exclusion et d’infantilisation des élèves internationaux·ales dans le journal des élèves montrent que les fruits de cette politique comptable ont été la discrimination xénophobe. En ayant changé la boussole de Polytechnique pour s’orienter par la comptabilité, l’École ne traite plus ses étudiants internationaux·ales comme des talents à courtiser mais comme des faire-valoir, des pourvoyeurs de points dans les classements dont on espère qu’ils rapporteront des fonds propres à l’École.
Au fond, le mal-être des élèves internationaux·ales à l’École polytechnique tient dans cette tension entre l’envie – souvent monétaire et purement utilitaire – d’accueillir des élèves internationaux·ales, et le rejet, par peur de contamination d’un des endroits sacrés de la République, le cycle ingénieur polytechnicien. Cette tension n’a jamais été résolue.
Que faire ?
D’une génération sur l’autre, pour les élèves internationaux·ales, tout change pour que rien ne change vraiment. La forme de la semaine d’intégration, ou la manière dont les élèves internationaux·ales participent ou non au camp de la Courtine, par exemple, ont bougé dans des directions contradictoires à plusieurs reprises au cours des dernières années. En trame de fond, pourtant, le malaise de ces élèves n’a jamais décru, voire s’est renforcé. Que faire, au-delà des exercices de pure forme, pour que le passage à Polytechnique ne constitue plus une mauvaise expérience pour celles et ceux qui y passent deux années de leur jeunesse ?
En premier lieu, il nous semble primordial que l’École dans son ensemble montre qu’elle prend acte de la situation. L’exclusion systémique d’un quart de la promotion ne peut pas être normalisée, et une réponse est nécessaire de la part de l’institution.
- Les élèves doivent sentir que l’administration est de leur côté et ne laissera pas passer les attitudes problématiques, qu’elles soient perpétrées par des cadres, des élèves, des enseignants, ou des membres de l’administration. Nous proposons la création d’un pôle “vigilance violences et discriminations”, sur le modèle du dispositif HDVS pour les violences sexistes et sexuelles. Ce nouveau pôle serait chargé de recenser les violences verbales, symboliques, voire physiques subies par les étrangers. Il serait présenté dès l’arrivée des élèves, et resterait particulièrement vigilant au long des semaines de formation militaire initiale, en contactant les élèves régulièrement pour éviter l’autocensure. Doté d’un pouvoir de sanction disciplinaire, il montrerait que le sujet est pris au sérieux et pas seulement un point annexe de la politique éducative.
- En particulier, le rôle de ce pôle “vigilance violences et discriminations” serait de bannir tous les comportements racistes et excluants lors des moments critiques de l’intégration des élèves internationaux·ales (semaine d’intégration, premières semaines de cours).
- Des réflexions au sein du personnel sur ce sujet spécifique, et des formations contre le racisme doivent être menées pour interroger les attitudes individuelles, et faire prendre conscience à toutes et à tous de l’importance du sentiment d’être accueilli avec bienveillance. Cette initiative devra obligatoirement inclure des élèves français·es, en particuliers celles et ceux qui jouent un rôle central dans la vie associative de l’école ; ainsi que des élèves internationaux·ales.
D’autre part, il est important de documenter l’évolution du bien être des élèves internationaux·ales. Ceci permettra en particulier d’évaluer l’efficacité des changements conduits dans la politique d’intégration proposée par l’École. Pour ce faire, un des outils à la disposition de la direction est la réalisation d’un sondage annuel auprès des élèves internationaux·ales. Les résultats de ce sondage seront rendus publics et alimenteront les discussions et les formations proposées ci-dessus.
Enfin, nous proposons une refonte des moments clés de l’intégration. Le cycle ingénieur polytechnicien, avec ses caractéristiques uniques et notamment son aspect militaire, oppose un grand nombre d’obstacles à cette intégration. Pour les élèves non-francophones notamment, le premier mois, puis l’intégration à une vie sociale quasi exclusivement en français est d’une grande difficulté. Surtout lorsque la majorité des élèves français·es ont partagé une expérience commune via les classes préparatoires et la formation militaire initiale. C’est pourquoi l’effort d’intégration doit venir en premier lieu des élèves français·es et du personnel de l’École, et non l’inverse.
- Tout d’abord, il nous semble essentiel de concevoir une seconde semaine d’intégration pour les élèves qui arrivent avec un calendrier décalé. Cette intégration pourrait par exemple avoir lieu la première semaine des cours, en avril. Elle aurait pour but de familiariser les élèves internationaux·ales avec l’environnement de l’Ecole polytechnique et de leur montrer que les élèves français·es ont envie de partager leur vie étudiante avec elleux.
- Bien que les élèves internationaux·ales aient tous·tes appris le français lors de leur formation, certain·es ne sont pas encore à l’aise avec cette langue à leur arrivée en première année. Une des façons de favoriser le sentiment d’accueil des élèves internationaux·ales serait de proposer une langue complémentaire au français pour toutes les activités d’intégration, ainsi que les premières conférences et événements de la vie de la promotion.
- Dans la même ligne, il nous semble également opportun d’offrir des options alimentaires adaptées lors des repas et des événements festifs (options sans porc et/ou sans alcool par exemple).
- La promotion polytechnicienne est un groupe très structurant pour ses membres, et il est hors de question d’en exclure d’emblée les étrangers. Ces derniers ne doivent pas être tenus à l’écart d’expériences partagées par d’autres, sans quoi ils ne seront jamais perçus comme des camarades. Cela implique en particulier qu’il faut éviter autant que possible les rentrées en décalé, et mélanger autant que possible les élèves lors de l’intégration.
Ne considérons pas la situation actuelle comme naturelle, ou inextricable. L’intégration d’élèves internationaux·ales est bien menée dans nombre d’universités que l’on considère comme nos concurrentes. Malgré ses spécificités, l’École polytechnique peut et doit avoir un niveau similaire d’exigence, sans quoi il lui sera impossible de rester attractifs au-delà du système préparationnaire.
Suite à la publication de l’article du Monde, la Directrice Générale de l’École polytechnique, Laura Chaubard, a publié sur LinkedIn
“Un récent article du journal Le Monde se fait l’écho de difficultés rencontrées par certains de nos élèves internationaux·ales. L’École se saisit de ces témoignages et renforcera ses actions pour que le parcours de chacune et chacun s’accompagne d’une expérience positive et enrichissante, quelle que soit sa nationalité”
C’est un signal positif, qui marque à défaut d’autre chose que l’École ne fait pas le choix du déni ou de l’omerta. Nous croyons sincèrement que l’École est prête à changer de regard sur les étrangers, et à mener les réformes nécessaires à leur bien-être.
La Sphinx se tient prête à suivre l’évolution de ce dossier, à la fois les implémentations concrètes des politiques mises en place par l’École et les résultats du sondage sur le bien-être des élèves internationaux·ales annoncé dans le numéro spécial du journal des élèves.
Bastien Cuq, Thomas Vezin, Quentin Louis, Clara Vergès. Avec le soutien des relecteur·ices
1 La rentrée des élèves à l’Ecole polytechnique se fait en plusieurs vagues. Les élèves français arrivent en septembre, passent un mois en formation militaire initiale, puis six mois en stage civil ou militaire. Pour les élèves internationaux·ales, il existe quatre filières de recrutement avec des arrivées différentes.
Un certain nombre d’entre eux entrent à l’Ecole par le concours des classes préparatoires, ou par la filière universitaire française. Ces élèves ont un profil similaire à la majorité des élèves français·es, sont généralement au courant de la militarité de l’Ecole polytechnique et font leur rentrée en septembre.
Mais il existe deux autres filières de recrutement à l’université. L’une est pour les élèves francophones ayant étudié dans des programmes universitaires à l’étranger. La dernière est destinée aux élèves non francophones ayant étudié à l’étranger, moins habitués voire inconscients de la militarité de l’Ecole polytechnique. Pour des raisons logistiques et académiques, les élèves issus de ces deux dernières filières arrivent en différé, entre octobre et janvier. Les non francophones reçoivent ensuite une formation intensive au français, pendant que les francophones font un stage civil.
2 Tribune d’élèves étrangers à l’Ecole normale supérieure (2020) https://www.liberation.fr/debats/2018/11/22/on-etudie-ici-on-reste-ici_1693632/