La première étude proposée par la Sphinx porte sur les choix d’orientation en troisième et quatrième année des élèves du cycle ingénieur polytechnicien en fonction du genre et de la filière d’origine. Elle a été réalisée en partenariat avec X au féminin, l’association étudiante féministe de l’École.

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La politique de l’autruche

Depuis la parution de l’IK au Féminin, les questions d’égalité femmes-hommes au sein de l’École sont régulièrement discutées. Le binet X au féminin anime le débat et un groupe de travail planche depuis plus de six mois sur les questions de mixité et de harcèlement.

Lorsque le sujet de la mixité est évoqué, il part toujours du même constat flagrant : 15%, le fameux “taux de féminisation” de l’École. Lorsque ce chiffre est énoncé, c’est souvent pour être directement balayé : “Oui, mais ça on n’y peut rien, c’est le concours. La question de l’orientation se joue avant, au lycée voire bien plus tôt, on ne peut pas faire grand chose. Que ça soit de la part de la direction ou des élèves, c’est un discours récurrent, qui arrange bien tout le monde puisqu’il permet de conclure que la meilleure chose à faire à l’X, c’est de ne rien faire.

S’il est avéré que le genre influence beaucoup les choix d’orientation au lycée, il est doublement erroné d’en conclure que tout est joué avant le bac. D’abord parce qu’il est absurde de soutenir que l’École ne peut rien faire quant au public qu’elle recrute. Bien au contraire, seule l’X peut décider de changer les choses. Évidemment, il faut être prêt à remettre en question plusieurs éléments, dont les modalités du concours et de l’admission. Mais ce n’est pas le sujet de cette étude.

La seconde raison pour laquelle cet argument est erroné, et c’est celle qui nous intéresse, c’est que les biais de genre dans les choix d’orientation se poursuivent au sein de l’École, et bien au delà. Penser qu’une fois le concours passé, les élèves de l’École ont un parcours indifférencié, et que filles et garçons se retrouvent sur un pied d’égalité est grossièrement faux, comme le relève l’étude que nous avons menée.

Orientation genrée dès le choix de PA

Que deviennent les filles une fois à l’X, et par la suite ? Nous avons décidé de nous intéresser au premier choix déterminant d’orientation que nous avons à faire une fois entré à l’École, à savoir le choix de spécialisation de 3e année, appelé parcours d’approfondissement (PA). Nous avons analysé les choix de PA de 4 promotions, qui révèlent une répartition très inégale entre filles et garçons. Vous pouvez retrouver l’intégralité de l’étude en ligne [4], avec toutes les données et précisions statistiques sur lesquelles s’appuient nos conclusions.

Principaux résultats de l’étude

  • Les filles choisissent 20 % moins que les garçons les PA les plus populaires : “Informatique”, “Mathématiques Appliquées” et “Mécanique”, correspondant aux secteurs d’activités les plus valorisés par le marché du travail en terme de rémunération et de reconnaissance sociale ;
  • Les filles choisissent 3 à 4,5 fois plus les PA “Biologie” et “Sciences pour les défis de l’Environnement” ;
  • Le PA “Énergie du XXIe siècle” est choisi 50% moins par les filles, et la situation est inversée dans le PA “Sciences pour les défis de l’Environnement”, alors que les deux PA partagent un tiers de leurs cours ;
  • Suite au virage de l’entreprenariat, fortement encouragé par la direction de l’École à partir de 2013, les filles ont déserté le PA “Innovation Technologique”.

Que faire ? Nos recommandations

Suite à ces constats, nous pensons qu’il est urgent d’agir. En particulier, pousser les élèves à réfléchir plus en amont à leurs choix d’orientations les force à mieux s’informer et permet de limiter les biais de genre. Voici nos propositions :

  • Assigner à chaque élève de 2A un•e enseignant•e-chercheur•se référent•e (sur le modèle des advisors anglo-saxons) qui conseille l’étudiant•e lors d’un rendez-vous par période sur ses choix des cours de 2A et de PA pour la 3A. Ces rencontres seront l’occasion d’une discussion sur le projet d’orientation de l’élève, son adéquation avec les choix de cours envisagés, ainsi qu’avec les résultats obtenus et projets personnels entrepris.
  • Rédaction obligatoire d’un Statement of Purpose, en français ou en anglais, expliquant et motivant le choix du PA en fin de 2A. La réflexion préalable à cette rédaction doit être effectuée tout au long de l’année, guidée par les discussions avec l’enseignant•e référent•e. Ce document pourra être utile à l’élève pour ses recherches de 4A.
  • Imposer la parité stricte dans l’ensemble des conférences métier proposées aux élèves.
  • Mise à disposition des listes d’élèves des promotions précédentes dans chaque PA afin d’encourager les contacts inter-promotions dans les PA, pour l’instant limités au Forum des PA.
  • Rencontres d’orientation organisées par X au féminin afin de faciliter l’identification des filles à d’autres PA que Biologie et SDE.
  • Mise en place sur RateMyClass d’un feedback pour les PA en général et non plus seulement les cours.

Conclusion

Notre étude prouve l’existence des biais de genre importants dans les choix d’orientation au sein de l’École, sur lesquels il est facile d’agir. En outre, la littérature sociologique nous informe que l’origine sociale est souvent le facteur majeur des choix d’orientation. Afin de renforcer cette étude et pour pouvoir bien séparer l’influence de l’origine sociale de celle du genre, nous demandons à la direction de l’École la possibilité de consulter les données de catégorie socio-professionnelles des parents d’élèves.

Denis Merigoux pour la Sphinx

 

 

 

 

 

 

Catégories : Enquête