« Pour que l’X puisse maintenir sa stratégie et faire une sorte de blitzkrieg, c’était très important qu’on mette en place ce programme [le Bachelor] très rapidement. Si on l’avait pas mis en place rapidement, on peut imaginer qu’un certain nombre de nos collègues, amis bien sûr, mais qui sont dans d’autres segments de l’enseignement supérieur et de la recherche français, auraient tout fait pour torpiller le projet et donc on avait à cœur de créer le fait accompli et de mener notre propre guerre rapide sur le sujet ». Cette citation de Jacques Biot, président de l’École polytechnique, extraite d’une interview réalisée le 30 mai 2017 par le JTX (association de production vidéo gérée par les élèves), résume bien les conditions dans lesquelles le Bachelor de l’X a été mis en place. Un peu moins d’un an après, la première promotion d’étudiant·e·s achève sa première année sur le campus : quel bilan d’étape pour ce « blitzkrieg » ? Qui sont les étudiant·e·s du Bachelor ? Comment celui-ci s’insère-t-il parmi les autres programmes de l’École ? Quels sont les retours des étudiant·e·s, professeur·e·s et administratif·ve·s sur le lancement de la formation post-bac de l’École polytechnique ? Ce dossier, réalisé à partir d’entretiens avec tous les acteur·rice·s précédemment mentionné·e·s, tentera de répondre à ces questions afin de casser quelques préjugés sur ces nouveaux·elles venu·e·s qui vivent désormais sur le plateau. Nous tenons d’ailleurs à remercier chaleureusement la direction du Bachelor ainsi que les étudiant·e·s qui se sont prêté·e·s au jeu de notre enquête avec bonne volonté et qui ont répondu à toutes nos questions.

Un contexte politique tumultueux

L’idée de créer un Bachelor à l’X a été évoquée pour la première fois lors du rapport sur l’avenir et la stratégie de l’École polytechnique par Bernard Attali en 2015 à la tutelle de l’École, le ministère de la Défense. Ce rapport fait suite à la critique de la stratégie de l’École par le député Cornut-Gentille en 2014, et propose quelques mesures radicales comme la suppression de la solde et du classement de sortie pour les ingénieur·e·s, avec pour objectif à long terme de fusionner l’X au sein de Paris-Saclay pour faire poids dans les classements internationaux. Le 15 décembre 2015, lors de la visite d’Emmanuel Macron et Jean-Yves Le Drian, alors ministres de l’Économie et de la Défense, sur le campus de l’X, la tutelle annonce sa décision pour la stratégie de l’X : la tutelle renforce son lien avec l’X, notamment au travers d’une dotation exceptionnelle de 60 millions d’euros sur 5 ans.

C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre la citation de Jacques Biot qui ouvre le dossier : à partir de ce moment le programme Bachelor, géré exclusivement par l’École, devient un sujet de tension avec Paris-Saclay. En effet le Contrat d’Objectif et de Performance 2012-2016 signé entre l’X et la tutelle prévoyait explicitement en tant qu’objectif majeur de « procéder à un développement partenarial des thématiques d’enseignement et de recherche au sein de Paris-Saclay », objectif au sein duquel ne s’inscrit pas vraiment le Bachelor de l’X. Le lancement immédiat du programme est alors une priorité pour la direction de l’X qui souhaite profiter du soutien actuel du gouvernement avant une possible reconfiguration politique provoquée par les élections présidentielles de 2017. Au final, le vainqueur Emmanuel Macron a réaffirmé la sortie de l’X et de l’ENSTA de Paris-Saclay lors de sa visite en décembre 2017, au profit d’un nouveau pôle « NewUni » dont les contours sont en cours de définition. Ce soutien politique s’est affirmé dans le nouveau Contrat d’Objectif et de Performances 2017-2021. Cependant, la place du Bachelor au sein de « NewUni » reste aujourd’hui très floue : ceci inquiète les étudiant·e·s, qui craignent qu’une possible transformation du Bachelor de l’X en Bachelor « NewUni » nuise à sa reconnaissance à l’international déjà incertaine.

Des préparatifs menés tambour battant

Néanmoins, l’année scolaire 2016-2017 pendant laquelle se déroule le recrutement de la première promotion du Bachelor est marquée par l’urgence : il faut créer un nouveau programme post-bac à partir de rien pour accueillir les étudiant·e·s en septembre 2017. Cette précipitation sur un planning qui à l’origine ne prévoyait pas l’arrivée des étudiant·e·s avant 2019 a posé un problème logistique : où loger les nouveaux·elles venu·e·s ? En effet le parc immobilier sur le campus dont dispose l’École était déjà utilisé à pleine capacité par les élèves du cycle ingénieur et les Masters et Doctorant·e·s de la Graduate School de l’X, lancée quelques années auparavant dans le cadre de Paris-Saclay. La construction d’un nouveau bâtiment destiné à l’hébergement des Bachelors, prévue pour la rentrée 2019, arrive trop tard et il faut alors trouver une solution provisoire. L’administration décide donc de ne pas renouveler le bail annuel d’une quarantaine d’étudiant·e·s en Master et Doctorat habitant sur le plateau. Pour les plupart internationaux, ces étudiant·e·s ont dû trouver une solution alternative. Si certain·e·s ont été aidé·e·s dans leur démarches de relogement par l’École, d’autres n’ont été notifié·e·s par le bureau logement que quelques semaines seulement avant la fin du bail.

Pendant ce temps, la création du contenu des cours a été discutée au sein de la Direction de l’Enseignement et de la Recherche, dirigée par Frank Pacard, en collaboration avec des professeur·e·s, des représentant·e·s des élèves ingénieur·e·s et Michel Bouchaud, ancien proviseur du lycée Louis Le Grand et fin connaisseur du milieu des classes préparatoires. Les représentant·e·s des élèves sont d’ailleurs intervenu·e·s plusieurs fois lors des réunions pour alerter l’administration sur la charge de travail et la densité du programme d’étude alors en cours d’élaboration. En effet, le programme académique dispensé en première année de Bachelor est pensé comme celui d’une double licence, avec un volume d’enseignement très conséquent. En effet, mathématiques et autres sciences comme physique, informatique, économie, chimie et biologie occupent la plus grande partie des 30 à 34 h de cours hebdomadaires. S’y ajoutent des humanités, du sport et des cours de langue, notamment le français pour les étudiant·e·s internationaux·ales.

C’est Claire Lenz, alors directrice adjointe relations internationales de l’École chargée de la communication extérieure, et qui deviendra par la suite directrice du programme Bachelor, qui a été chargée de recruter la première promotion du Bachelor. Ce recrutement s’est effectué selon les standards internationaux, sur dossier avec relevé de notes du lycée, lettre de motivation, oral de mathématiques et entretien sur le projet personnel, CV académique et extra-curriculaire détaillé et enfin lettres de recommandation. Les frais de scolarité sont de 12 000 € pour les membres de l’Union Européenne et 15 000 € pour les autres, soit un prix comparables à celui des universités anglaises, significativement plus élevé que la plupart des écoles d’ingénieur·e·s post-bac françaises, mais également moins cher que les Bachelors aux États-Unis. La Fondation de l’X a décerné des « bourses d’excellences » à 7 étudiant·e·s dont elle a jugé le dossier digne d’être « admis avec honneur ».  Avec les exonérations de frais de scolarité pour raisons sociales et les prêts bonifiés offerts par la FX, le pourcentage d’étudiant.e.s bénéficiant d’une aide financière s’élève à 35 %. Les étudiants doivent régler leur frais de scolarité pour l’année en totalité en début d’année, et le remboursement n’est pas possible en cas d’abandon. Cependant la direction du Bachelor nous a confié porter « énormément d’attention à l’information des étudiants avant le début du cursus et au recrutement, ce qui doit normalement beaucoup limiter les abandons ».

Avec un recrutement focalisé sur l’international, c’est au travers du réseau des lycées français à l’étranger que 35 % des candidat·e·s se sont présenté·e·s. Après deux vagues d’admission fin 2016 et début 2017, ce sont 71 étudiant·e·s dont 35 % de filles qui ont été sélectionnés parmi plus de 500 candidat·e·s ayant tous globalement un très bon niveau académique au lycée. Le recrutement pour la promotion 2018 est en cours et tout mène à penser que cette deuxième promotion sera semblable à la première sur les points évoqués ci-dessus.

Enfin, l’administration a décidé de donner au Bachelor un pôle de Formation Humaine, à l’instar du cycle ingénieur où celle-ci est assurée par les militaires. Ainsi, Marie Bresson (X95) a été nommée responsable du projet de formation humaine et placée à la tête de quatre « coachs »  dont la mission est d’aider les étudiant·e·s sur tout ce qui ne relève pas de l’académique, et d’encadrer leurs séances de sport. Ces coachs ont été pris en majorité directement dans les effectifs militaires attribués au cycle ingénieur. Dans un contexte de réduction des effectifs militaires de l’X imposé par la tutelle, la création du Bachelor a poussé l’administration à expérimenter un nouveau dispositif où une partie de l’encadrement des sections du cycle ingénieur n’est plus assuré par des cadres militaires.

Un programme exigeant toujours en construction

L’École a choisi de mettre les moyens en personnel pour son Bachelor et l’a doté d’une administration de 7 personnes dont deux conseillères pédagogiques. Cette équipe est menée par Claire Lenz et Shaun Cavaliere qui insufflent, de par leur expérience internationale du milieu de l’éducation, un esprit radicalement différent de celui qui règne, selon nous, à la direction de l’enseignement du cycle ingénieur. En effet, l’administration multiplie les sondages et évaluations de tous les aspects du programme par tous ses acteurs : étudiant·e·s, professeur·e·s, coachs formation humaine. Selon ces mêmes acteurs, ces retours sont effectivement pris en compte et se traduisent par des adaptations concrètes qui seront mises en place pour la promotion suivante.

Cependant, un point fait consensus : les étudiant·e·s ont énormément de travail. Le temps passé à travailler en dehors des cours rogne sur les loisirs et la vie sociale. En effet, l’évaluation qui se fait sur contrôle continu attribue à chaque élève un GPA à l’anglo-saxonne, et celui-ci se doit d’être parfait pour avoir les meilleures chances d’être admis·e·s dans les Master les plus renommés à l’international. À l’inverse d’une classe préparatoire où seule la performance au concours compte et donne droit à une poursuite d’études généralement moins exigeante en école d’ingénieur·e·s, les étudiant·e·s de Bachelor se doivent de maintenir une excellence académique permanente, avec une exigence qui sera encore tout aussi voire plus élevée en Master. Si quelques étudiant·e·s retirent une certaine fierté de se soumettre à un tel rythme de travail, nous avons de grandes craintes sur les effets que cela puisse avoir sur le long terme. Même si les étudiant·e·s sont bien suivi par leurs professeur·e·s et leur coachs formation humaine, de nombreuses plaintes avertissant du manque de temps libre et d’un manque de sommeil chronique devraient être prises très au sérieux par l’administration. La direction du Bachelor nous a assuré être au courant de cette problématique et travailler pour chercher des solutions.

Le contenu de l’enseignement est effectivement plus proche de celui d’une double licence que d’une classe préparatoire d’après les témoignages que nous avons recueilli : le programme est très ambitieux en termes de notions, et plus orienté sur des savoirs actualisés par rapport au programme des classes préparatoires. Puisque la moitié des étudiant·e·s ne viennent pas d’un lycée suivant le programme d’enseignement français, il existe une certaine disparité des niveaux académiques selon les matières à l’arrivée en Bachelor. Pour remédier à cette disparité, un système de tutorat assuré par des élèves ingénieur·e·s a été mis en place. Cependant, il a été constaté que ce dispositif ne suffit pas seul à aider les élèves en difficulté. La direction du Bachelor envisage donc pour la deuxième promotion trois semaines de remise à niveau à la rentrée de septembre.

Il est possible pour les étudiant·e·s d’effectuer des stages en entreprise ou en milieu académique pendant les vacances d’été. L’École fournit alors une convention de stage, pour des dates allant de la fin des cours début juillet à début septembre. La direction du Bachelor n’envisage pas pour le moment de décaler le calendrier afin de s’aligner sur les dates du summer semester anglo-saxon, comme c’est le cas pour le cycle ingénieur qui a récemment avancé la fin de la deuxième année afin de permettre aux élèves d’effectuer 12 semaines de stage en entreprise.

Le programme Bachelor a été conçu avec comme débouché naturel une poursuite d’étude en Master. Si l’accent est mis sur l’excellence académique afin de constituer des dossiers de candidature crédibles pour les meilleures universités internationales, la direction du Bachelor doit faire face à des problèmes liés à la nature quelque peu inédite de ce programme en France. Bien que la direction du Bachelor nous assure que l’attribution du grade de licence au Bachelor de l’X est en « très bonne voie », le 20 avril 2018, le Conseil National de l’Enseignement Supérieur Et de la Recherche (CNESER), organe consultatif sur les stratégies nationales de l’enseignement supérieur et de la recherche, a émis un avis négatif sur cette attribution, allant à l’encontre du souhait émis en 2015 par la tutelle. La multiplication des Bachelors en concurrence directe avec les licences universitaires est un sujet sensible dans les instances de certification académiques ; en effet la généralisation du Bachelor privé au sein des écoles d’ingénieur·e·s met en péril le modèle de l’université publique. La ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Frédérique Vidal, a d’ailleurs annoncé en avril 2018 vouloir traiter les Bachelors « au cas par cas » dans une volonté de « collaborer avec l’université ». La question de l’équivalence licence, pourtant théoriquement nécessaire pour que les étudiants puissent postuler en Master au sein de l’UE, reste donc en suspens.

Un autre problème est celui du déphasage avec le Bachelor américain qui se fait en quatre ans, à la différence du Bachelor de l’X qui se fait en trois ans. Cette année manquante pourrait porter préjudice aux chances d’admissions des étudiant·e·s dans un Master anglo-saxon. La direction du Bachelor ainsi que la Direction des Relations Internationales de l’X sont en contact avec leurs homologues dans les universités nord-américaines, et nous ont assuré qu’« en général », cette année manquante ne devrait pas poser problème. Si ces problèmes n’impactent pas encore les étudiant·e·s actuellement, il est impératif qu’ils soient résolus d’ici la rentrée 2019, période à laquelle les étudiant·e·s de la première promotion du Bachelor commenceront à préparer leurs candidatures en Master.

Une intégration toujours problématique

La question du vivre-ensemble entre les différentes populations du campus de l’X n’est pas récente. Au sein du cycle ingénieur, les élèves internationaux·ales s’investissent en général beaucoup moins que leurs camarades français·es dans la vie associative. Souvent encore désignés dans le jargon des élèves (l’administration a définitivement mis un terme à cette pratique) par le terme « EV » qui les déshumanise, elles et ils souffrent de la barrière de la langue dans un cursus enseigné totalement en français les deux premières années, malgré un stage linguistique préparatoire avant leur arrivée. Puis au début des années 2010, le campus s’est ouvert aux Masters de l’X qui partagent leurs cours avec les élèves ingénieur·e·s (pendant la 3A du cycle ingénieur). Cependant, hébergé·e·s hors du campus, pour la plupart internationaux·ales, leurs interactions avec les élèves ingénieur·e·s se sont limitées au strict minimum pour la plupart d’entre elles ou eux qui ne connaissaient personne en arrivant sur le campus. Ce n’est que très récemment qu’un embryon d’organisation s’est formé avec un·e « représentant·e Master » affilié·e à la Kès (Bureau Des Élèves des élèves ingénieurs) qui encourage les relations avec le reste de la vie associative du campus.

Cette vie associative et extra-curriculaire est d’autant plus importante pour les Bachelors qui commencent tout juste leurs études. Le manque de temps libre déjà évoqué précédemment est un obstacle important à l’exploration de cette autre facette du développement personnel. Cependant, la route vers une vie associative riche pour les Bachelors est semée d’embûches dont quelques unes sont posées par les élèves ingénieur·e·s. Par exemple, les Bachelors n’ont pour l’instant ni compte Frankiz ni Polytechnique.org, les empêchant d’accéder au réseau interne des élèves ingénieur·e·s où se coordonne la vie associative. Sur Facebook où ont lieu la plupart des annonces d’événements, les élèves ingénieur·e·s et les Bachelors restent dans des groupes séparés : les événements sont annoncés presque tous uniquement sur les groupes d’élèves ingénieur·e·s, sauf quelques uns postés sur « Étudiants de l’École polytechnique » (créé à l’initiative des Bachelors), qui ne rassemble pas tout le monde et qui a été le théâtre juste après sa création d’un grand débat entre ingénieur·e·s pour savoir si les Bachelors méritaient vraiment le titre de « polytechnicien·ne·s ».

Mais le plus important pour les Bachelor est la création d’un BDE indépendant de la Kès qui leur permettrait d’organiser leur vie associative sur un pied d’égalité avec les élèves ingénieurs. En effet pour l’instant les Bachelors ne cotisent pas à la Kès, et cette dernière rechigne (de manière compréhensible) à inciter les Bachelors à s’investir dans des associations qui reçoivent des subvention payées avec les cotisation des élèves ingénieur·e·s uniquement. S’ajoutent à cela des problèmes d’assurances des activités effectuées dans les associations. Aussi l’intégration des Bachelors dans la vie associative s’est faite au cours de cette année au cas par cas, selon la bonne volonté des élèves ingénieur·e·s présent·e·s au bureaux des diverses associations. Si la plupart des association culturelles ou centrées sur une passion partagée (dessin, sport, etc.) se sont ouvertes aux Bachelors de manière très positive, les associations les plus en vue et dont l’admission est sélective y restent résolument fermées.

Il faut signaler qu’une partie des ingénieur·e·s s’est montrée hostile par principe face à l’idée même du Bachelor. La principale crainte de certain·e·s ingénieur·e·s est la dépréciation de la valeur du diplôme de Polytechnique et par extension du statut social attaché au titre de « polytechnicien·ne ». En effet, l’idée est que les Bachelors qui ne sont pas sélectionné·e·s par le sacro-saint concours républicain « achèteraient » leur diplôme afin d’usurper le titre porté de droit par les  ingénieur·e·s. L’attachement inconditionnel au concours se retrouve en décembre 2017 dans une interview au magazine X-Passion donnée par Bruno Angles, président de l’AX (association des anciens élèves). Parlant de la possibilité d’admission des Bachelors dans le cycle ingénieur, il confie : « Les élèves sortant du Bachelor pourront s’ils le souhaitent passer le concours universitaire, et s’ils sont nombreux à être admis, tant mieux ; mais c’est un concours et non une admission sur titres. Le concours est totalement non-négociable. Si nous cédons là-dessus, nous finirons au tirage au sort, comme pour rentrer à l’université. » Cette alternative manichéenne entre le concours et le tirage au sort est symptomatique du manque de familiarité des ingénieur·e·s (surtout les plus ancien·ne·s) avec les procédures de sélection universitaires qui se pratiquent à l’international.

Si l’AX au travers de son délégué général Yves Demay (ancien directeur général de l’X) a finalement décidé d’inclure pleinement les Bachelors au sein de l’association des anciens élèves en avril dernier, la méfiance des élèves ingénieur·e·s vis-à-vis de cette nouvelle population est toujours présente et freine le développement de bonnes relations inter-programmes. Aussi les négociations avec la Kès pour la création du BDE Bachelor traînent en longueur sur des points d’achoppement révélateurs de la volonté des élèves ingénieur·e·s de garder le pouvoir sur la vie associative du campus : le droit pour les Bachelors de devenir président ou trésorier d’association.

Conclusion

En attendant de participer pleinement à la vie associative et étudiante du campus, les Bachelors ont su s’organiser par eux-mêmes afin de former des groupes de collaboration qui les aident à surmonter la charge énorme de travail qui leur est imposée. Car il faut souligner la capacité d’adaptation de cette première promotion du Bachelor, qui a fait le pari de se lancer dans un programme inédit, ambitieux et très exigeant mais dont beaucoup d’aspects restent à construire. Nous tenons à souligner la très grande qualité du dialogue entre étudiant·e·s, professeurs et administrations qui savent s’écouter et collaborer afin d’améliorer l’expérience Bachelor pour les prochaines promotions. Nous pensons que ces méthodes d’administration gagneraient à être déployées au sein du cycle ingénieur où, selon nous, règne toujours une approche jacobine faite de grandes réformes décidées unilatéralement par la direction des études, et dont les étudiant·e·s subissent les errements et le manque de coordination.

En effet, l’administration du Bachelor est composée de professionnel·le·s de l’enseignement supérieur ayant un profil international. Celles et ceux-ci ont su apporter un souffle de modernité à cette vieille institution qu’est l’X. De leur côté, loin d’usurper leur titre ou de baisser le niveau de l’institution, les étudiant·e·s du Bachelor tendent vers l’excellence académique et certain·e·s sont même déjà très enthousiastes pour assurer la promotion de l’École au sein de leur lycée ou pays d’origine.

Néanmoins, la généralisation de programmes Bachelor payants au sein des écoles d’ingénieur·e en défiance de l’Université pose un grave problème au modèle actuel de l’enseignement supérieur français, avec le risque d’aggraver encore plus l’inégalité des chances pour l’accès à une formation de qualité. Cependant et d’un point de vue local, maintenant que les Bachelors sont sur le campus, il est important qu’elles et ils puissent avoir accès à une vie associative riche et organisée, d’égal à égal avec les élèves ingénieur·e·s. Nous espérons que ce dossier puisse dissiper quelques préjugés et lancer une dynamique de compréhension mutuelle entre élèves ingénieur·e·s et Bachelors.

Denis Merigoux pour la Sphinx

Catégories : Enquête