Le Parquet national financier (PNF) a annoncé avoir procédé hier au classement sans suite de la plainte déposée en 2021 contre Patrick Pouyanné et contre X par Greenpeace France, Anticor et la Sphinx pour les délits de prise illégale d’intérêts et de favoritisme.
Les associations plaignantes sont extrêmement surprises qu’à l’issue de son enquête, le PNF ait considéré les infractions dénoncées insuffisamment caractérisées, et ce contrairement à la jurisprudence la plus rigoureuse en matière de prise illégale d’intérêts.
Pour rappel, il était reproché à Patrick Pouyanné d’avoir abusé de sa position de membre du Conseil d’administration de Polytechnique concernant un projet d’implantation d’un centre de recherches de TotalEnergies au sein du campus. Sous la pression des associations et de la mobilisation de nombreux étudiants et enseignants, le projet avait finalement été abandonné. L’indépendance de l’enseignement supérieur public est en jeu dans ce dossier qui avait trait à une tentative de capture par le privé de la formation des chercheurs et des décideurs publics.
Pour Bastien Cuq, secrétaire général de la Sphinx : « Ce dossier a permis de dénoncer la grande opacité du financement des établissements d’enseignement supérieur par les entreprises fossiles. À ce jour, l’École polytechnique persiste dans son refus de faire la transparence sur le contenu de ses partenariats avec TotalEnergies. Nous continuerons à nous mobiliser pour obtenir la publicité de ces contrats et la mise en place de mécanismes de prévention des conflits d’intérêts dans la gouvernance de l’établissement ».
Cette procédure constituait l’unique affaire judiciaire pénale connue contre le PDG de la plus puissante multinationale française, malgré les mises en cause régulières de la major, notamment pour des atteintes à la probité.
Pour Clara Gonzales, juriste à Greenpeace France : « Le classement sans suite n’efface pas la défaite de la tentative d’infiltration de TotalEnergies, qui a abandonné son projet en 2022. Cette affaire n’est pas uniquement l’affaire Patrick Pouyanné : c’est tout un système, celui de l’entrisme des intérêts économiques privés, des tentatives d’influences de TotalEnergies sur la recherche, qui est concerné, et face auquel l’impunité ne doit pas être la règle ».
Cette décision constitue un recul dans la lutte contre les infractions à la probité qui inquiète les plaignantes.
Les associations regrettent qu’un dossier visant une personnalité particulièrement influente, une multinationale française et une institution publique de premier plan, n’ait pas conduit à la désignation d’un juge d’instruction indépendant du pouvoir exécutif.
Anticor, La Sphinx et Greenpeace France réfléchissent au dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile afin que soit désigné un juge d’instruction.
Pour Inès Bernard, déléguée générale d’Anticor : « Anticor déplore que le PNF n’ait pas fait le choix de confier les investigations à un juge d’instruction, indépendant du pouvoir exécutif, eu égard à la gravité des faits et à la fonction de Patrick Pouyanné, PDG de la multinationale Total. L’intervention d’Anticor dans ce dossier devait permettre de contourner un éventuel classement sans suite. Le refus du gouvernement de renouveler l’agrément d’Anticor, prive les citoyens de cette possibilité car dans ces conditions, la saisine d’un juge d’instruction est incertaine ».